Madagascar Tribune
Jatropha, valavelona, kinanana ou encore voanongo. Quel que soit le nom qu’on lui donne, l’arbuste à fleurs rouges et au coriace feuillage vert foncé que l’on trouve à l’état sauvage dans le sud malgache n’en finit pas d’attiser la polémique. Pour certains, elle serait un véritable « or vert », une « chance inouïe pour Madagascar », une « plante du futur ». Pour ses détracteurs, ce ne serait qu’un mirage.
Traditionnellement utilisé pour ses vertus médicinales, comme insecticide, dans la production de vernis ou encore pour servir de haies, le jatropha est devenu une véritable star lorsque est apparue la fièvre des biocarburants. L’huile que donne ses graines (à raison d’un litre d’huile pour 5kg de graines), non comestible pour les hommes ni pour les animaux domestiques, a en effet des propriétés très proches du diesel, ce qui en fait un agro-carburant de bonne qualité. Or, le marché mondial des biocarburants est en constante augmentation, surtout dans les pays occidentaux et la production de biocarburant est inférieure à la demande. Cela laisse présager de très importantes retombées pour les investissements dans ce secteur, d’autant plus que les pays occidentaux incitent à la consommation de biocarburants par le biais de la loi : l’Union européenne s’est par exemple fixé l’objectif de parvenir à 10% d’agrocarburants dans sa consommation totale.
Dans sa livraison du 14 septembre 2010, Afrique Hebdo dit aussi la plante capable de servir d’engrais, être utilisé pour la confection de bougies et de savon, ou encore remplacer dans les fourneaux les combustibles traditionnels de cuisson issus de la biomasse (comme le bois ou le charbon) ; ce qui permettrait aux femmes de cuisiner dans un environnement sans fumée et de gagner du temps en n’étant plus contraintes d’aller ramasser du bois de feu.
Poussant sur des milieux semi-arides, le jatropha présente l’avantage de ne pas trop faire concurrence aux cultures alimentaires, car ces espaces sont habituellement plutôt consacrés à l’élevage extensif. Pourtant, l’ONG les Amis de la Terre a publié en mai 2009 le rapport Jatropha – Wonder Crop ? Experience for Swaziland (http://www.foe.co.uk/resource/repor...) montrant que la culture de cette plante contrairement au « miracle » annoncé, pourrait se faire au détriment de la production alimentaire du fait de la concurrence pour la terre et l’eau. L’association a même demandé à l’Union européenne de prendre en compte ces impacts dans l’étude qu’elle mènera en 2010 sur les changements d’affectation des sols à cause des agrocarburants, et de réviser son objectif d’incorporation de 10% en conséquence.
Autre détracteur de la « plante-miracle », Gilles Vaitilingom, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Ce dernier s’oppose aux théories des entreprises prônant la culture intensive du jatrophe comme l’ivoirienne BPR Afrique, qui expliquent que la plante, qui vit plus de 50 ans et produit deux récoltes par an, est on ne peut plus facile d’entretien. D’après le chercheur du Cirad, ce n’est pas si simple. Car si le jatropha ne demande pas de soin particulier à petite échelle, les choses se compliquent lorsqu’on étend cette culture. « Les coûts engendrés par la culture de masse du jatropha curcas n’ont pas été pris en compte au départ de nombreux projets, tant les propriétés « miraculeuses » de cette plante étaient vantées. (…) Dans les projets développés en Inde ou au Nicaragua dans les années 90, les agriculteurs, au bout de quelques années, ont fini par abandonner leurs cultures car elles ne leur procuraient pas les revenus promis », a indiqué Gilles Vaitilingom dans un article d’actu-environnement en mai 2009. Le chercheur n’a toutefois pas nié l’intérêt colossal du jatropha, il le recommande toutefois pour un usage local, et non pas massif.
Du fait de la crise politique, les investissements dans le jatropha ont de toute manière baissé à Madagascar ces deux dernières années, a indiqué Afrique Hebdo. Cependant, des compagnies telles la GEM (Green Energy Madagascar), la MMR (Madagascar Minerals Ressources), ou plus récemment Tozzi Renowable Energy, travaillent pour permettre au plus vite l’utilisation de diesel à base de Jatropha. D’après l’hebdomadaire, « un investissement de plus de 300 millions de dollars a été versé dans ce secteur ».
http://www.madagascar-tribune.com/Madagascar-detentrice-d-un-or-vert,14704.html