par zegreenweb, jeudi 6 janvier 2011, 13:45
par Guillaume Duhame
Ce n’est plus a priori qu’une question de semaines… Treize entreprises sont concernées. Parmi elles, Chevron et Shell mais pas BP.
L’observateur ordinaire ne peut qu’être décontenancé. Qui sait d’ailleurs si l’administration américaine n’en perd pas elle-même son latin, tiraillée qu’elle est entre l’obligation de tout faire pour éviter un « Deepwater Horizon bis » (et soulager des concitoyens encore traumatisés) et la nécessité de ménager les géants du brut pour ne pas risquer de graves dommages financiers à court et moyen termes.
La Maison Blanche s’est prononcée le mois dernier pour un moratoire de sept ans sur les nouveaux forages offshore dans un rayon de cent vingt-cinq miles (environ deux cents kilomètres) autour des côtes floridiennes. On pouvait alors se dire qu’elle ne laisserait plus rien passer et qu’elle allait sur sa lancée rediscuter la levée de la suspension des forages en eaux profondes, décidée par anticipation en octobre. En d’autres termes que BP et consorts allaient devoir encore patienter de longs mois avant de reprendre leurs activités dans les eaux territoriales américaines, le temps d’obtenir toutes les garanties.
Parce que comme pour n’importe quel dirigeant le costume de « superprésident » est trop grand pour Barack Obama et que le lobby pétrolier demeure extraordinairement puissant, la realpolitik a toutefois repris le dessus. Les pouvoirs publics et avec eux les défenseurs de l’or noir peuvent bien arguer que la législation relative aux conditions de sécurité a été nettement renforcée il y a déjà plusieurs semaines, le retour imminent des forages dans le Golfe du Mexique va sans doute faire jaser dans les chaumières et susciter une levée de boucliers des associations de protection de l’environnement.
Pas d’analyse écologique
Comme très souvent, le malheur des uns fera ici aussi le bonheur des autres : les treize groupes pétroliers * (dont Shell et Chevron) qui rongent leur frein depuis mai et ont perdu des fortunes vont de leur côté pouvoir déboucher le champagne.
D’abord parce que le business va bientôt reprendre, ensuite parce qu’ils ne feront pas l’objet d’analyse écologique, ce qui n’est rien de moins qu’un torpillage du principe de précaution. La multinationale britannique BP, locataire de Deepwater Horizon et plus que jamais dans le collimateur de la commission indépendante nommée en mai dernier par Washington, dont elle attend anxieusement les conclusions – lesquelles doivent être rendues publiques la semaine prochaine et pourraient influer sur celles des autres enquêtes en cours – , devrait quant à elle rester persona non grata.
Qu’importe, l’essentiel est ailleurs, et il y a tout le lieu de croire que les États-Unis, quelles que puissent être les convictions profondes de leur président, par tradition et parce qu’elles ne tiennent pas à ce que d’autres continuent à en profiter à leur place, feront la courte échelle jusqu’au bout aux énergies fossiles. Le verdissement de l’économie du pays du dollar a tout aujourd’hui de l’idéal dévoyé, et ce ne sont pas quelques grands projets solaire et éolien qui feront passer la pilule.
« Nous sommes en train de prendre en compte les circonstances particulières concernant ces entreprises dont les opérations ont été interrompues par le moratoire et nous assurer qu’elles peuvent reprendre les activités pour lesquelles elles avaient reçu une autorisation », a laconiquement déclaré Michael Bromwich, directeur du Bureau of Ocean Energy Management, Regulation and Enforcement (BOEMRE), l’organisme fédéral chargé de délivrer les permis de forage offshore. Et d’ajouter, un brin évasif : « pour les entreprises dont les opérations étaient en cours au moment du gel (des forages) en eaux profondes, l’avis de ce jour constitue un pas significatif vers une reprise de l’activité pour laquelle elles avaient reçu une autorisation ». Les autorités ont-elles fait l’objet de pressions ? Redoutent-elles une action judiciaire groupée qui, en cas de succès des plaignants, pourrait faire davantage encore s’interroger sur sa marge de manoeuvre réelle ?
L’administration Obama n’est quoi qu’il en soit pas allée au bout et « obéit à la logique qui l’a poussée depuis le début à ne désigner que BP comme responsable du suivi technique », analyse Francis Perrin, directeur de la rédaction du magazine Pétrole et gaz arabes. « Elle continue à considérer Anadarko [...] comme un opérateur sérieux », poursuit-il. Ce qui est d’autant plus déroutant que la société se partageait avec BP la propriété du fameux puits Macondo !
« C’est une mesure d’urgence pour permettre aux entreprises qui ont bouché le puits de reprendre le travail », résume l’expert, qui table sur des contraintes sur les nouveaux forages beaucoup plus importantes. Un doute dérangeant subsiste toutefois sur celles qui entourent les forages interrompus.
En lambeaux fin 2008, l’opposition républicaine a de son côté retrouvé le sourire depuis novembre. Il sera encore plus large quand leurs protégés Chevron and co sortiront de leur coma artificiel.
Retrouvez chaque jour toute l'actualité du développement durable sur www.zegreenweb.com/sinformer
* ATP Oil and Gas, BHP Billiton Petroleum, Chevron, Cobalt International Energy, ENI US, Hess, Kerr-McGee Oil and Gas, Marathon Oil, Murphy USA, Noble Energy, Shell, Statoil et Walter Oil and Gas
Crédits photos : NOAA – Wikimedia Commons / Nandu Chitnis
La reprise des forages interrompus en mai dernier à la suite de la marée noire dans le Golfe du Mexique est très probablement pour bientôt
Ce n’est plus a priori qu’une question de semaines… Treize entreprises sont concernées. Parmi elles, Chevron et Shell mais pas BP.
L’observateur ordinaire ne peut qu’être décontenancé. Qui sait d’ailleurs si l’administration américaine n’en perd pas elle-même son latin, tiraillée qu’elle est entre l’obligation de tout faire pour éviter un « Deepwater Horizon bis » (et soulager des concitoyens encore traumatisés) et la nécessité de ménager les géants du brut pour ne pas risquer de graves dommages financiers à court et moyen termes.
La Maison Blanche s’est prononcée le mois dernier pour un moratoire de sept ans sur les nouveaux forages offshore dans un rayon de cent vingt-cinq miles (environ deux cents kilomètres) autour des côtes floridiennes. On pouvait alors se dire qu’elle ne laisserait plus rien passer et qu’elle allait sur sa lancée rediscuter la levée de la suspension des forages en eaux profondes, décidée par anticipation en octobre. En d’autres termes que BP et consorts allaient devoir encore patienter de longs mois avant de reprendre leurs activités dans les eaux territoriales américaines, le temps d’obtenir toutes les garanties.
Parce que comme pour n’importe quel dirigeant le costume de « superprésident » est trop grand pour Barack Obama et que le lobby pétrolier demeure extraordinairement puissant, la realpolitik a toutefois repris le dessus. Les pouvoirs publics et avec eux les défenseurs de l’or noir peuvent bien arguer que la législation relative aux conditions de sécurité a été nettement renforcée il y a déjà plusieurs semaines, le retour imminent des forages dans le Golfe du Mexique va sans doute faire jaser dans les chaumières et susciter une levée de boucliers des associations de protection de l’environnement.
Pas d’analyse écologique
Comme très souvent, le malheur des uns fera ici aussi le bonheur des autres : les treize groupes pétroliers * (dont Shell et Chevron) qui rongent leur frein depuis mai et ont perdu des fortunes vont de leur côté pouvoir déboucher le champagne.
D’abord parce que le business va bientôt reprendre, ensuite parce qu’ils ne feront pas l’objet d’analyse écologique, ce qui n’est rien de moins qu’un torpillage du principe de précaution. La multinationale britannique BP, locataire de Deepwater Horizon et plus que jamais dans le collimateur de la commission indépendante nommée en mai dernier par Washington, dont elle attend anxieusement les conclusions – lesquelles doivent être rendues publiques la semaine prochaine et pourraient influer sur celles des autres enquêtes en cours – , devrait quant à elle rester persona non grata.
Qu’importe, l’essentiel est ailleurs, et il y a tout le lieu de croire que les États-Unis, quelles que puissent être les convictions profondes de leur président, par tradition et parce qu’elles ne tiennent pas à ce que d’autres continuent à en profiter à leur place, feront la courte échelle jusqu’au bout aux énergies fossiles. Le verdissement de l’économie du pays du dollar a tout aujourd’hui de l’idéal dévoyé, et ce ne sont pas quelques grands projets solaire et éolien qui feront passer la pilule.
« Nous sommes en train de prendre en compte les circonstances particulières concernant ces entreprises dont les opérations ont été interrompues par le moratoire et nous assurer qu’elles peuvent reprendre les activités pour lesquelles elles avaient reçu une autorisation », a laconiquement déclaré Michael Bromwich, directeur du Bureau of Ocean Energy Management, Regulation and Enforcement (BOEMRE), l’organisme fédéral chargé de délivrer les permis de forage offshore. Et d’ajouter, un brin évasif : « pour les entreprises dont les opérations étaient en cours au moment du gel (des forages) en eaux profondes, l’avis de ce jour constitue un pas significatif vers une reprise de l’activité pour laquelle elles avaient reçu une autorisation ». Les autorités ont-elles fait l’objet de pressions ? Redoutent-elles une action judiciaire groupée qui, en cas de succès des plaignants, pourrait faire davantage encore s’interroger sur sa marge de manoeuvre réelle ?
L’administration Obama n’est quoi qu’il en soit pas allée au bout et « obéit à la logique qui l’a poussée depuis le début à ne désigner que BP comme responsable du suivi technique », analyse Francis Perrin, directeur de la rédaction du magazine Pétrole et gaz arabes. « Elle continue à considérer Anadarko [...] comme un opérateur sérieux », poursuit-il. Ce qui est d’autant plus déroutant que la société se partageait avec BP la propriété du fameux puits Macondo !
« C’est une mesure d’urgence pour permettre aux entreprises qui ont bouché le puits de reprendre le travail », résume l’expert, qui table sur des contraintes sur les nouveaux forages beaucoup plus importantes. Un doute dérangeant subsiste toutefois sur celles qui entourent les forages interrompus.
En lambeaux fin 2008, l’opposition républicaine a de son côté retrouvé le sourire depuis novembre. Il sera encore plus large quand leurs protégés Chevron and co sortiront de leur coma artificiel.
Retrouvez chaque jour toute l'actualité du développement durable sur www.zegreenweb.com/sinformer
* ATP Oil and Gas, BHP Billiton Petroleum, Chevron, Cobalt International Energy, ENI US, Hess, Kerr-McGee Oil and Gas, Marathon Oil, Murphy USA, Noble Energy, Shell, Statoil et Walter Oil and Gas
Crédits photos : NOAA – Wikimedia Commons / Nandu Chitnis