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vendredi 5 novembre 2010

Une ville sud-africaine veut acheter les urines de ses administrés

Libération

Une toilette écologique à Cap-Haïtien (Haïti)
Une toilette écologique à Cap-Haïtien (Haïti) (Creative Commons - Wikimédia/Rémi Kaupp)

La ville de Durban, en Afrique du Sud, veut acheter les urines de ses administrés. L'enjeu: surmonter les réticences des gens à utiliser les toilettes sèches, installées par la mairie dans les quartiers pauvres.
«Si nous pouvons faire des toilettes sèches une source de revenus, les gens voudront les utiliser», affirme Neil Mac Leod, chef du service des eaux de la cité portuaire, située sur les rivages de l'Océan indien (est).

Réticences envers les toilettes sèches

Par souci d'hygiène et d'économie, Durban a doté les cours des quartiers délaissés d'environ 90.000 de ces toilettes à litière, qui n'utilisent pas une goutte d'eau. Mais la population boude. Dans le township d'Inanda, le spectacle est désolant: portes et toits arrachés, les cabanons servent d'annexe, quand ils ne sont pas complètement désossés.
Le sujet des fluides corporels est tellement tabou que personne ne veut même l'évoquer. Interrogée, une jeune mère de famille accuse vaguement des «voleurs» d'avoir dérobé «la porte et la cuvette» de son lieu d'aisance, transformé en débarras.
«Les gens comparent ces WC avec ceux qui ont une chasse d'eau et ils ont l'impression qu'on leur a donné un système inférieur», explique Lucky Sibiya, éducateur au service des eaux de Durban. Dès qu'ils en ont les moyens, ils investissent dans une fosse septique et abandonnent les toilettes sèches, où il faut mettre du sable après chaque passage, s'efforcer de séparer les urines des excréments et vider les cuves régulièrement.

Un système vieux de plusieurs siècles

Ce système, inventé au Yémen il y a des siècles, «fonctionne très bien en zone rurale parce que l'engrais produit à partir de l'urine et des fèces est utilisé sur place», rappelle Pierre-Yves Oger, consultant en eau et assainissement basé en Afrique du Sud. «Mais en zone urbaine, il y a dissociation entre le producteur (d'excréments) et l'utilisateur des produits recyclés, et c'est très difficile de surmonter les blocages psychologiques», souligne-t-il.
Pour cette raison, peu de villes se sont lancées dans l'installation à grande échelle de toilettes sèches. Durban a fait ce choix en 2002, quand une épidémie de choléra a mis en évidence le manque d'hygiène dans l'agglomération, où 1,3 des 4 millions d'habitants n'avaient accès à aucune forme de latrines.
Pour éviter de mettre en place toute une filière d'assainissement et économiser l'eau, la ville avait opté pour les toilettes sèches. Aujourd'hui, elle reste convaincue de la pertinence de son choix. «En Afrique du Sud, l'eau est rare, rappelle Teddy Gounden, responsable du projet. Nous ne pouvons pas nous permettre de jeter cette précieuse ressource dans les égoûts.»

3 euros par semaine pour chaque famille

Pour convaincre les habitants, la ville envisage d'installer des réceptacles de 20 litres pour récupérer contre rémunération les urines - riches en azote, phosphore et potassium - en vue de leur transformation en engrais. Les modalités exactes du projet doivent encore être définies, en partenariat avec le laboratoire suisse Eawag et la fondation Bill et Melinda Gates.
Mais le principe de base est acquis. Chaque famille «productrice» recevrait 30 rands (3 euros) par semaine, une somme non négligeable dans un pays où 43% de la population vit avec moins de deux dollars par jour. Dans un deuxième temps, l'idée est de transformer aussi les excréments, qui finissent aujourd'hui souvent dans la nature... à l'encontre de tous les principes d'hygiène.

http://www.liberation.fr/monde/01012300623-une-ville-sud-africaine-veut-acheter-les-urines-de-ses-administres